Partie de l’opéra

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Partie de l’opéra

La partie de l’opéra est la partie jouée par Paul Morphy (avec les Blancs), le duc de Brunswick et le comte Isoard de Vauvenargues (en consultation avec les Noirs) à l’Opéra de Paris en octobre 1858.

opera

Sommaire

Contexte

Morphy fait sensation en Europe, il vient de battre Daniel Harrwitz, considéré comme le meilleur joueur allemand du moment, lors d’un match au Café de la Régence à Paris. En attendant la venue d’Adolf Anderssen, considéré comme le meilleur joueur au monde, il croise le fer avec les meilleurs joueurs français, et toutes les portes lui sont ouvertes. C’est pendant cette période qu’il joue cette célèbre partie.

Le duc de Brunswick invite à quelques reprises Morphy à l’Opéra de Paris, où il loue une loge si près de la scène qu’il est possible, selon la légende, de toucher les comédiens. Le duc est un fervent joueur d’échecs, tenant toujours un échiquier dans sa loge.

Alors que la partie et l’opéra progressent, le duc et le comte confèrent à voix haute, ce qui perturbe les comédiens. Pour ajouter au côté tragi-comique de la situation, Morphy joue brillamment alors qu’il tente de suivre l’opéra de sa position inconfortable, et les comédiens, eux, tentent de connaître les raisons qui amènent leurs illustres spectateurs à échanger à voix haute.

Frederick Edge, le secrétaire de Morphy, relate qu’on donnait ce soir là La Norma de Bellini :

« […] La loge du Duc se trouve juste sur la scène, si près en vérité que l’on pourrait sans peine embrasser la prima donna. Morphy était assis, le dos tourné à la scène, ayant en face de lui le Duc et le comte Isouard. […] C’est alors que Mme Penco, qui personnifiait la prêtresse druidique, se mit à regarder du côté de la loge, semblant se demander quelle pouvait bien être la cause de l’agitation qui y régnait. Elle était loin de se douter que Caïssa était la seule chaste diva dont se souciaient les occupants de notre loge »

En effet, La Norma est joué aux Italiens de Paris le 21 octobre 1858, avec Rosina Penco dans le rôle titre, L. Graziani en Pollione et Cambardi en Adalgise. Notons que certains commentateurs placent cette partie célèbre pendant une représentation du Barbier de Séville, de La Cenerentola, ou encore Le Mariage de Figaro.

Elle est souvent présentée à des fins pédagogiques, car elle démontre clairement certains thèmes récurrents aux échecs : l’utilisation optimale du temps de développement et l’attaque du roi resté au centre.

Partie détaillée

Paul Morphy – Duc de Brunswick et Comte Isouard
Paris, 1858
Défense Philidor

1. e4 e5 2. Cf3 d6 3. d4 Fg4(?)

Selon les normes actuelles, 3. … Cf6 est meilleur.

4. dxe5! Fxf3 5. Dxf3 dxe5 6. Fc4

Les Noirs ont joué deux fois un fou pour s’emparer d’un cavalier qui n’a été joué qu’une fois : Fc8-g4xf3 et Cg1-f3.

6. … Cf6? 7. Db3! De7 8. Cc3!

Selon Steinitz, ce dernier coup est digne d’un grand maître. La plupart des grands maîtres modernes, confiants dans leur technique impeccable, auraient pris en b7 et gagné grâce au pion supplémentaire. Morphy, possédant un sens positionnel très développé, sait que le développement des Blancs leur procurera un avantage supérieur au gain d’un pion.

8. …c6 9. Fg5

Les blancs contrôlent maintenant la colonne d et maîtrisent la diagonale a2-g8, ce qui suffit à un joueur aussi fort que Morphy pour gagner la partie. De plus, les pièces blanches sont actives, alors que les noires sont passives.

9. … b5

10. Cxb5! cxb5 11. Fxb5+ Cbd7 12. 0-0-0! Td8 13. Txd7!

Il est remarquable que pratiquement tous les derniers coups soient accompagnés d’un point d’exclamation. C’est que l’avantage matériel des Noirs augmente sans cesse, mais les pièces noires deviennent de plus en plus immobilisées. Dès lors, l’avantage matériel est sans valeur.

13. … Txd7 14. Td1 De6 15. Fxd7+! Cxd7 16. Db8+! Cxb8 17. Td8 mat

C’est cette position qui a soulevé l’enthousiasme d’une légion d’amateurs d’échecs. En effet, les Blancs n’ont plus que deux pièces à opposer aux quatre pièces noires, comprenant la dame noire. Pratiquement tous les pions blancs sont sur leur case de départ, et pourtant les Noirs ne peuvent qu’observer la triste fin de leur monarque.

Partie animée

[White « Paul Morphy »]
[Black « duc de Brunswick »]
[Result « 1-0 »]

1. e4 e5 2. Nf3 d6 3. d4 Bg4 {Selon les normes actuelles, 3. … Cf6 est meilleur.} 4. dxe5 Bxf3 5. Qxf3 dxe5 6. Bc4 {Les Noirs ont joué deux fois un fou pour s’emparer d’un cavalier qui n’a été joué qu’une seule fois.} Nf6 $2 7. Qb3 $1 Qe7 8. Nc3 $1 {Selon Steinitz, ce dernier coup est digne d’un grand
maître. La plupart des grands maîtres modernes, confiants dans leur technique, auraient pris en b7 et gagné grâce au pion supplémentaire. Morphy, possédant un sens positionnel très développé, sait que le développement des Blancs leur procurera un avantage supérieur au gain d’un seul pion.} c6 9. Bg5 { Les blancs contrôlent maintenant la colonne d et maîtrisent la diagonale a2-g8, ce qui suffit à un joueur aussi fort que Morphy pour gagner la partie. De plus, les pièces blanches sont actives, alors que les noires sont passives.} b5 10. Nxb5 $1 cxb5 11. Bxb5+ Nbd7 12. O-O-O Rd8 13. Rxd7 $1 {Pratiquement tous les derniers coups sont accompagnés d’un point d’exclamation. L’avantage matériel des Noirs augmente sans cesse, mais les pièces noires deviennent de plus en plus immobilisées. Dès lors, l’avantage matériel reste sans valeur.} Rxd7 14. Rd1 Qe6 15. Bxd7+ Nxd7 16. Qb8+ $3 Nxb8 {C’est cette position qui souleva l’enthousiasme d’une légion d’amateurs d’échecs. En effet, les Blancs n’ont plus que deux pièces à opposer aux quatre pièces noires, comprenant la dame noire. Pratiquement tous les pions blancs sont sur leur case de départ, et pourtant les Noirs ne peuvent qu’observer la triste fin de leur monarque.} 17. Rd8# 1-0

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5. Qxf3 dxe5 6. Bc4 Nf6
This seemingly sound developing move runs into a surprising refutation. After White’s next move, both f7 and b7 will be under attack. Better would have been to directly protect the f7 pawn (with the queen) instead of just blocking it from the white queen, which would have made White’s next move less potent.

7. Qb3 Qe7
Black’s only good move. White was threatening checkmate in two moves, for example 7. … Nc6 8. Bxf7+ Ke7 9. Qe6#. 7. … Qd7 loses the rook to 8. Qxb7 followed by 9. Qxa8. Notice that Qe7 saves the rook with this combination: 8. Qxb7 Qb4+ forcing the queen exchange saving the rook. Black is forced to move the queen to e7 which blocks the f8 bishop and more importantly impedes kingside castling.

8. Nc3

White prefers fast development to material. He declines to win a pawn with 8. Qxb7 Qb4+ (the only way to avoid loss of the rook) 9. Qxb4, or to win two with 8. Bxf7+ Kd8 (or 8. … Qxf7 9. Qxb7 and now Black cannot avoid loss of the rook) 9. Qxb7, preferring to mass his forces for a quick checkmate and get back to the opera.

8. … c6 9. Bg5 b5?
Though ostensibly this drives the bishop away and steals the initiative, it allows Morphy a sensational sacrifice to keep the initiative.

10. Nxb5!Morphy chooses not to retreat the bishop, which would allow Black to gain time for development. Black’s move 9. … b5 loses but it is difficult to find anything better; for example 9 … Na6 10.Bxf6 gxf6 11.Bxa6 bxa6 12.Qa4 Qb7 and Black’s position is in shambles. 10. … cxb5?Black could have played 10…Qb4+, which would have forced Morphy to exchange queens, although White would retain a clearly won game

11. Bxb5+ Nbd7 12. 0-0-0
The combination of the bishop’s pin on the knight and the open file for the rook will lead to Black’s defeat.

12. … Rd8
13. Rxd7 Rxd7
Removing another defender.
14. Rd1
Compare the activity of the white pieces with the idleness of the black pieces. At this point, Black’s rook is not able to be saved, since it is pinned to the king and attacked by the rook, and though the knight is defending it, it is pinned to the queen, so Morphy can gain material advantage now.

14. … Qe6 Qe6 is a futile attempt to unpin the knight (allowing it to defend the rook) and offer a queen trade, to take some pressure out of the white attack. Even if Morphy did not play his next, crushing move, he could always have traded his bishop for the knight and then taken the rook.
15. Bxd7+ Nxd7

If … Qxd7, then 16. Qb8+ Ke7 17. Qxe5+ Kd8 18. Bxf6+ gxf6 19. Qxf6+ Kc8 20. Rxd7 Kxd7 21. Qxh8 and White is clearly winning. Moving the king leads to mate: 15… Ke7 16. Qb4+ Qd6 (16… Kd8 17. Qb8+ Ke7 18. Qe8#) 17. Qxd6+ Kd8 18. Qb8+ Ke7 19.Qe8# or 15… Kd8 16. Qb8+ Ke7 17. Qe8#

16. Qb8+! Morphy finishes with a stylish queen sacrifice. 16. … Nxb8 17. Rd8#

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